La différence de luminosité pourrait être causée par
une abondance d'étoiles bleues d'un côté de ces galaxies, et
une abondance d'étoiles rouges de l'autre côté.
L'ONDE DE DENSITÉ
La formation des bras spiraux de ces galaxies n'est pas encore bien comprise;
la théorie de l'onde de densité est probablement la plus plausible pour
expliquer la formation des bras. De plus, on ne sait pas dans quelle mesure
les supernovae peuvent intervenir.
La théorie de l'onde de densité est de C.C. Lin et G. Bertin
et leurs collaborateurs. Il est très difficile d'attribuer à la rotation
différentielle dans le disque galactique la formation des bras spiraux et
leur maintien à long terme! Les multiples rotations effectuées depuis
la formation de ces galaxies auraient fragmenté et dissipé ces bras et on
ne pourrait plus les observer aujourd'hui. La théorie de l'onde de densité
arrive, par son mécanisme, à expliquer la formation et le maintien des bras
spiraux de ces galaxies.
Voici quelques éléments importants de l'onde de densité:
On y traite les galaxies comme des fluides, dans lesquels des ondes, créées
par des perturbations du potentiel gravitationnel, forment des ondes en spirales
qui se déplacent dans le disque galactique, superposées a la rotation du disque.
Ce mécanisme préconise une onde qui a une vitesse angulaire constante et cette
onde balaie, comme une vague sur l'eau, le disque de matière des galaxies sans
entraîner par lien direct la matière de ces disques. L'onde a un mouvement moins
rapide que la rotation du disque de la galaxie. Cette onde s'auto-entretiendrait
par un mouvement favorable de sa vitesse angulaire et de sa forme spirale.
La matiere penetre l'onde par le cote concave de l'onde.
Une accéleration importante des étoiles et surtout des gaz se produit à
l'approche des bras. Dans les bras, la matière ralentit et se compresse
(densité augmentant), ce qui favoriserait le déclenchement de formation
d'étoiles. De nombreuses étoiles sont formées. Les étoiles plus massives
ionisent les gaz; le développement des régions HII est favorisé.
La théorie suggère que du côté convexe du front d'onde, on peut observer une
étroite bande d'étoiles bleues lumineuses et des régions HII. Suivant
cela, on trouve une vague, une bande plus large d'étoiles plus vieilles et
des amas d'étoiles. La population du disque est composée d'étoiles plus
vieilles (plus rouges) qui sont distribuées à peu près uniformément.
L'onde disparait si sa vitesse se synchronise avec la vitesse de rotation de
la galaxie. Ce qui pourrait expliquer qu'à grande distance du noyau, dans le
disque des galaxies, on ne voit presque plus de régions HII malgré
le fait qu'il y a beaucoup de gaz (la rotation galactique diminue en
s'éloignant du noyau).
L'observation de concentrations plus importantes de zones HII dans les
bras galactiques, les étoiles bleues plus abondantes et les gaz plus denses
dans les bras, et certaines irregularités dans la courbe de rotation favorisent
la théorie de l'onde de densité.
Pour ceux qui voudraient en savoir plus, on peut se procurer un livre tout
nouveau qui fera sûrement autorité sur le sujet:
«Spiral Structure in galaxies», a density wave theory, G. Bertin &
C.C. Lin (deux collaborateurs et artisans de cette théorie!),
The MIT Press.
Il faut signaler que cette théorie pose plusieurs questions dont voici deux exemples:
-
Qu'est-ce qui crée l'onde de densité? Une vague dérivant dans le disque de la
galaxie (une harmonique) ou l'action d'autres galaxies proches à un moment ou l'autre
de la vie de la galaxie?
-
Dans quelles circonstances les galaxies ne développent pas de bras spiraux?
OBJETS TRAITÉS
Les circonstances nous ont forcés à concentrer nos efforts sur trois candidates,
soit M51, M33 et M101. Ces trois galaxies sont suffisamment vues de face pour nos
besoins. Notre stratégie était d'observer ces galaxies en utilisant un CCD et de
tenter d'interpréter les asymétries de leurs distributions lumineuses.
APPLICATION AUX GALAXIES ETUDIÉES
Pour expliquer les phénomènes apparents, on peut les attribuer à des forces
gravitationnelles causées par la présence d'une autre galaxie dans leur
voisinage. Pour M51 c'est évident mais, après vérification pour M33 et M101,
il n'y a pas de galaxie connue dans leur environnement immédiat. Il faut
donc s'en remettre à d'autres hypothèses. On peut supposer pour M33 et M101,
que les mécanismes responsables de ces phénomenes sont intrinsèques à
ces deux galaxies. C'est pourquoi nous avons décidé d'observer ces
galaxies à l'aide de filtres
B (bleu) et I (très rouge).
Voici quelques exemples de galaxies asymétriquement lumineuses:
Pour notre travail, le modèle utilisé (onde de densité) suggère
que les étoiles bleues, jeunes et massives, dominent de leur lumière
les bras spiraux des galaxies; ces étoiles très massives rendent
l'âme avant d'avoir le temps de s'éloigner loin du lieu de leur
formation! Les autres étoiles, plus vieilles (moins massives)
et plus rouges, devraient se distribuer à peu près uniformément dans
le disque de ces galaxies.
Nous espérions donc que des observations en filtre rouge (I) nous
montreraient la distribution des étoiles rouges et des observations
en bleu (B) ou sans filtre nous montreraient la dominance de la lumière
des étoiles bleues très massives dans les bras spiraux. Nous voulions,
de cette façon, mieux cibler l'asymétrie observée.
MODÈLES ET PRÉVISIONS
Il est possible que:
- Les bras de ces galaxies devraient nous montrer une distribution assez
uniforme en bleu (filtre B et sans filtre) et les bras devraient
dominer les structures du disque dans ces filtres.
- En filtre (I) (7000 Å, très rouge), les galaxies devraient montrer
un disque plus uniformément lumineux et moins détailler les bras.
- Les asymétries lumineuses observées sans filtre seraient de simples
secteurs moins abondants en étoiles ou autres matières lumineuses observables.
Nous prévoyions que nos images en filtre (B) nous montreraient les zones
moins lumineuses dans les mêmes régions d'une même galaxie qu'en (I)
s'il s'agissait de régions pauvres en étoiles et en matériaux lumineux.
Nous supposions que le pic d'émission lumineuse ne serait pas affecté,
qu'il ne changerait pas de longueur d'onde s'il ne s'agissait que de
régions moins lumineuses. S'il s'agit, au contraire, d'une extinction
ou rougissement stellaire local, alors le pic lumineux devrait montrer
des variations: à une longueur d'onde plus rouge, il devrait être plus
intense qu'à une longueur d'onde plus bleue. Il est a noter que le
rougissement stellaire n'affecte pas la position des raies spectrales.
Il devient alors difficile par spectroscopie de saisir ce phénomène.
C'est pourquoi l'observation du continuum spectral pourra nous renseigner sur ce sujet.
OBSERVATIONS
Surprise! Au traitement des images M33 et M101, on constate rapidement
que les distributions lumineuses avec le filtre (B) sont différentes de
celles en filtre (I). Comme si ces galaxies avaient un côté de matière
plus rouge et l'autre de matière plus bleue. Une photométrie de surface
de ces images (B) et (I) montre bien qu'il peut s'agir de déficience
locale du bleu et d'une abondance du rouge dans le bras B pour M101,
BC pour M33. La galaxie M51, elle, semble mieux suivre les lignes
directrices; en (B) et (I), on trouve pour M51 des distributions
lumineuses s'accordant au modèle. Donc M33 et M101 semblent nous
indiquer une extinction locale importante du côté des bras secondaires.
Qu'est-ce qui favoriserait les distributions observées dans M33 et M101?
Il s'agit possiblement d'extinction locale de la lumière des étoiles
bleues dans certaines régions des bras de ces galaxies. Des régions
d'étoiles bleues cachées par des matières qui absorbent et rediffusent
leur lumière à des niveaux d'énergie moins importants, donc plus rouges.
Remarquez pour M101: les graphiques bleus et rouges s'inversent très
localement indiquant un mouvement inattendu du pic lumineux de M101
à ces endroits!
Ces graphiques sont le fruit d'une photométrie de surface effectuée comme suit:
- Il fallait d'abord déterminer les tailles des boîtes a utiliser
selon la largeur des bras de chacune de ces galaxies.
- Les mesures furent prises selon un cheminement
prédéterminé pour chaque bras de ces galaxies, en partant
du noyau des galaxies et s'en éloignant d'un
facteur constant suivant la courbe de chacun des bras.
Chaque bras est identifié par une lettre
selon son importance, ABC...
Cette méthode permet de comparer directement, en superposant
les mesures des bras d'une même galaxie, de visualiser
les distributions lumineuses locales à un endroit
équivalant dans ces bras par rapport au noyau de la galaxie
et ce dans le filtre désiré, soit en bleu, sans
filtre ou en rouge.
MANIPULATION DES IMAGES
Il faut donc isoler la lumière bleue et rouge de ces
galaxies au maximum en espérant déceler des
signes précurseurs de quelque explication. D'abord,
on identifie les bras selon leur importance
(densité et luminosité) sans filtre
(A, B, C...). Puis nos manipulations sont assez simples:
on aligne le mieux possible les images d'une même galaxie,
une sans filtre (ou en bleu) et une rouge (I),
puis on les soustrait. Ce qui nous reste est une image
nous montrant les sites les plus intenses, en bleu si l'on
fait (B - I) ou (V - I) et l'extrême
rouge si l'on fait (I - V) ou (I - B).
Pour ce travail, nous avons effectué des soustractions
et aussi des divisions d'images, ce qui nous a donné
des résultats tout a fait compatibles. Ces manipulations
rendent plus évidentes les distributions des éléments
rouges et bleus dans ces galaxies. Dans le cas de M33 et de M101,
cela nous a permis de faire une correspondance entre nos
résultats en (V - I), qui semblent compatibles aux
images en (U.V.) de la mission «Astro 2» à bord de la
navette spatiale «Endeavour» en mars 1995, avec les astronomes
Samuel Durrance et Ronald Parise.
Trois télescopes étaient à bord de la navette;
seul le «Ultraviolet Imaging Telescope» (UIT), d'un
diamètre de 38cm et d'une focale de 3,4m est
optique et peut prendre des images. Ces observations ont
été effectuées dans l'ultraviolet: pour M101, une pose
de 22 minutes (35nm à 152nm), de résolution
spatiale de 3", et pour M33, a 220nm.
Nos images en (I) de M33 semblent aussi compatibles
aux images infra-rouges du satellite IRAS et de l'observatoire
du New Mexico University en (H alpha)!
Il fallait confirmer nos mesures. Nous avons donc demandé
à un autre astronome amateur, Patrice Gérin-Roze,
de refaire nos mesures pour confirmer nos graphiques.
Il a effectué au hasard une série d'évaluations
lumineuses locales des bras des galaxies M51, M101, M33.
Ces graphiques montrent bien qu'il y a un bras de
luminosité plus importante que l'autre.
Nous avons, pour notre part, pu refaire des images en
filtre (I) de M51, M101 et M33 avec un petit instrument
le 11 novembre 1996 et le 16 mars 1996.
Nos résultats montrent quand même des distributions lumineuses
compatibles aux images (I) et sans filtre utilisées
pour ce travail, ce qui appuie notre démarche et confirme
que nos images sans filtre et en (I) sont tout au
moins assez correctes!
Puis une série de mesures ont été effectuées sur des
images de M33 venues de la mission Astro 2 en ultra-violet.
Ces mesures appuient bien l'ordre de distribution observé
sur nos images en bleu ou (V-I)! Des mesures ont aussi
été prises sur les images M33 en infra-rouge provenant du
satellite IRAS, et en (H alpha) prises au New Mexico
Observatory. Ces séries de mesures confirment bien la
dominance du bras (C) (2ième secondaire) sur le bras
(A; principal) en filtre bleu ou sans filtre
(donc un renversement de luminosité) tel qu'observé
sur nos images CCD sans filtre ou bleu et en filtre (I).
HYPOTHÈSE RETENUE POUR EXPLIQUER PARTIELLEMENT LE PHÉNOMÈNE DANS M101
- Un angle d'observation légèrement incliné peut favoriser
ce phénomène. Une courbe de rotation de M101 ou l'angle
d'inclinaison est estimé à i = 27 , d'après
Comte et al., suggère que le bras principal
(le plus lumineux) de M101 au sud-ouest serait
plus près de nous.
- Sa lumière nous parviendrait donc
vue plus directement que le bras secondaire, qui lui
serait plus loin et derrière la matière plus importante
du bulbe et du halo de cette galaxie.
- Cette situation
pourrait causer l'extinction locale que l'on croit observer.
CONCLUSION
Pour conclure, on peut croire que le phénomène
observé dans M33 et M101 serait dû à une extinction
locale associable au rougissement stellaire causé
par des matières interstellaires. Ces matières
absorberaient le bleu (plus facile a arrêter par
des poussières) et le rediffuseraient à des niveaux
d'énergie moins importants (donc plus rouges)!
Ce phénomène se traduit normalement par un déplacement
du pic d'intensité lumineuse des étoiles affectées,
ce qui peut s'apparenter à nos mesures dans M33 et M101.
Nous avons aussi le cas de M51 qui, elle, reste plus fidèle
à sa distribution lumineuse en filtre (U) et (I).
Cette galaxie est la seule des trois galaxies observées qui
a subi un drainage de matière dernièrement de son bras
dit secondaire, par interaction avec une autre galaxie proche.
M51 semble se conformer aux conditions où on admet qu'une
quantité moindre de matière lumineuse (moins d'étoiles)
localement ne devrait pas affecter le pic d'intensité lumineuse
observé dans différentes longueurs d'onde.
Pour terminer, nous pensons que l'analyse faite en correspondance
avec le graphique de Comte et al., de la courbe
de rotation de M101 est probablement une partie de la cause de ce
phénomène.
LE FUTUR
La suite de ce projet consistera en ces étapes:
- Il faudra refaire toutes les images à haute résolution dans chacun des filtres utilisés.
- Il faudra refaire toutes les mesures à partir de ces nouvelles images.
- Il faudra refaire les galaxies M33 et M101 en utilisant tous les filtres UBVRI
pour savoir où se situent les asymétries observées et peut-être
éclairer notre raisonnement sur les matériaux en jeu.
- Il faudra faire une liste plus exhaustive des paramètres semblables de M33 et M101.
- Il faudra chercher d'autres candidats à ces phénomenes pour vérifier s'il s'agit
de cas particuliers ou si le phénomene est valide pour toutes les galaxies.
Pour tout renseignement supplémentaire:
Gilbert St-Onge et Lorraine Morin
Références utilisées:
- Les images d'ASTRO 2 ont été tirées d'un article de Ciel & Espace,
juillet-août 1995, p. 22-27 (excellent article sur la mission, selon GSO).
- Les images IRAS sont tirées d'un article d'Astronomy, sept. 95, p28.
- L'image de M33 en H alpha est de Nicolas A. ,Devreux,
du New Mexico State University.
- «The new cosmos», 3e éd., Albrecht Unsold & Bodo Baschek,
Heidelberg Science Library.
- «Encyclopédie scientifique de l'Univers». La Galaxie,
l'univers extragalactique, Bureau des longitudes, (Gauthier - Villars).
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