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Photographiez la lune en trois dimensions

(Mis à jour: 25 mars 2005)
Photo de Martin Rochette Par: Martin Rochette
Club d’'astronomie Cassiopée de Sillery
Club d'’astronomie Io de Val-Bélair

Club des astronomes amateurs de Québec



Introduction:

L’observation de la lune et de ses cratères a sûrement été le premier point de mire lors de vos premières soirées d’observation comme astronome amateur. La lune nous est toujours apparue comme un disque plat au télescope. Or tout le monde aura bien deviné qu’en observant ses mouvements de libration, notre satellite naturel est en réalité une sphère dont nous ne pouvons voir qu’environ 59% de sa surface.

Mais j’ai découvert, à l’été 2004, une technique de photographie qui nous permets d’apprécier la sphéricité de la lune, de même que l’effet de relief de ses cratères et de ses montagnes. Lorsque j’ai débuté ce projet en 1984, j’utilisais la photographie conventionnelle. Je devais effectuer des essais photographiques au foyer primaire de mon télescope Newton avec la méthode du chapeau pour éviter tout mouvement ou vibration pendant la pose. Si la photo était surexposée ou sous-exposé, il fallait reprendre la série de pose. Puis souvent la qualité de l’image pouvait être déficiente le tout dépendant des conditions atmosphériques.

Avec l’arrivée des caméras numériques et du traitement d’image, j’ai eu beaucoup plus de facilité à réussir ce projet. Il est possible de constater rapidement de la bonne qualité de nos images. Ces appareils photos numériques sont aussi équipés d’un déclencheur à distance électronique qui éliminent toutes vibrations lors de la prise des images. Pour mon projet, j’ai utilisé la caméra modèle Coolpix 4500 de marque Nikon.

Le présent article est constitué des 5 sections suivantes :

  1. Rappel des notions de base de la vision en trois dimensions;
  2. Description brève des mouvements de libration de la lune;
  3. Techniques pour la prise des photos de la lune;
  4. Traitement d’image pour la visualisation en trois dimensions;
  5. Résultats des photos en trois dimensions.
1)Rappel des notions de base de la vision en trois dimensions :

La vue en trois dimensions est une observation binoculaire (avec les deux yeux) en ce sens que la vue d’un objet sous deux angles différents, comme le font les yeux, nous permet d’apprécier l’effet de profondeur.

Principe observation binoculaire

En considérant que la distance entre nos deux pupilles est d’environ 7 cm et que la limite de résolution de l’œil soit d’environ 1 minute d’arc, il est possible de calculer que nos yeux perçoivent l’effet de profondeur jusqu’à une distance d’environ 250 à 300 mètres (820 à 1000 pieds).

Ainsi, nous ne pouvons voir la Lune en 3 dimensions juste avec nos yeux ou avec des jumelles. Il faut donc trouver le moyen de photographier la Lune sous deux angles différents, mais légèrement semblables. La solution consiste à photographier deux croissants de Lune identiques mais dont le moment de chaque pose est espacé dans le temps de un ou plusieurs mois (lunaison) et avoir la même position du terminateur par rapport aux cratères. On laissera intervenir le phénomène des librations pour obtenir deux angles de poses quasi identiques. Examinons un peu le phénomène des librations.


2)Description brève des mouvements de libration de la Lune:

Définition : C’est une oscillation de la Lune autour d’une position moyenne ou léger balancement autour de son axe que l’on aperçoit depuis la Terre.

Ces mouvements de balancement nous permettent de voir environ 59% de la surface lunaire. On reconnaît quatre (4) sortes de libration de la Lune, mais pour nos besoins nous tiendrons compte de seulement deux types de libration.

Libration en longitude : Balancement qui s’explique par le fait que la vitesse de rotation de la Lune (sur elle-même) est constante, alors que sa période de révolution est accélérée au périgée (point de l’orbite le plus près de la Terre) et retardée à l’apogée (point de l’orbite le plus éloignée de la Terre). Cette libration est de 7 degrés 54 minutes. C’est un paramètre à retenir.


Illustration de la libration de la Lune en longitude

Libration en latitude :Balancement dû au fait que l’axe de rotation de la Lune n’est pas perpendiculaire au plan de son orbite. L’axe de rotation conserve cet angle d’inclinaison de 6 degrés 41 minutes tout au cours de sa course orbitale. La libration en latitude est 6 degrés 50 minutes. C’est un paramètre à retenir.

Illustration de la libration de la Lune en latitude


3)Technique pour la prise des photos de la Lune :

Il faut prévoir les dates de nos prises de photos, afin de photographier deux croissants presque identiques, c’est-à-dire que le terminateur sur nos croissants se retrouve à la même position par rapport aux divers cratères.

J’ai eu recours au logiciel « Virtual Moon » ou « Atlas virtuel de la Lune » qui se charge gratuitement sur internet.

Lorsque les dates des prises de photos sont déterminées, il est question par la suite d’un bon coup de chance pour que dame nature nous accorde un ciel dégagé et un bon seeing.

Pour mes prises de photos, j’ai pu réussir à prendre mes photos pour les premiers quartiers du 25 juin, 25 juillet et 23 août 2004 et 18 janvier 2005. J’ai aussi eu une bonne opportunité pour la pleine lune des 26 novembre, 25 décembre 2004 et 25 janvier 2005. Voici d’ailleurs les cartes lunaires prévisibles du premier quartier pour le 25 juin et le 23 août 2004.

Illustration de la libration de la Lune


Ainsi lorsque survient la bonne soirée, il s’agit d’aligner le mieux possible la monture du télescope sur le pôle nord pour ne pas avoir à centrer continuellement la Lune dans le champs de vision de la caméra numérique. Pour ma part j’ai utilisé une monture équatoriale motorisée sur les deux axes( monture CG-5 de Célestron) avec un télescope de type Schmidt-Cassegrain de 203 mm (8 pouces) f/10. L’utilisation d’une monture de type Dobson ( alt-azimutale) est possible que requierera plus d’ajustement et d’alignement de la Lune dans le champs de la caméra numérique.

Je recommande fortement une bonne vérification de la collimation de l’optique du télescope lors de chaque prise de photos. Une mauvaise qualité optique de l’image ne pardonne pas. J’ai pris 15 à 20 clichés identiques lors de chaque séance de pose. Lors du traitement des images, ,j’ai eu recours à Registax pour additionner mes images. Il se charge gratuitement sur internet. Il est aussi possible d’avoir recours à K3CCD ou à IRIS

Comme caméra numérique j’ai utilité la Nikon Coolpix 4500 avec un oculaire de 28 mm qui se vissent dans l’objectif de la caméra pour utiliser la méthode afocale. J’utilise aussi un déclencheur à distance électronique pour éviter toute vibration de la caméra et du télescope.

Photos montrant les instruments

4)Traitement d’image pour la visualisation en 3 dimensions :

Après la prise des photos, c’est la partie cruciale du projet. Il nous faut en premier additionner toutes les images identiques prises lors d’une séance. Pour les additionner, on peut avoir recours à Registax.

Examinons la différence :
Image brute:                            Image additionnée :
Photos montrant les instruments


Un peu de théorie :

Si il n’y avait pas de librations, le milieu de la face visible de la Lune serait toujours à la latitude 0 degré et à la longitude 0 degré vu du centre de la Terre.

La longitude et la latitude sélénographique de la Terre sont les coordonnées de la surface lunaire où le centre de la Terre est au zénith dans le ciel lunaire.

Longitudes et latitudes sélénographiques pour le mois de juin 2005 (selon le logiciel Coelix de Jean Vallière)

                                                                 Long. et lat. sélénographique pour le 25 juin 2004       Lon. et lat. sélénographique pour le 25 juillet 2004
Photos montrant les instruments


Compte tenu que la position du centre de la Terre par rapport au système de coordonnée de la surface lunaire est toujours au centre du disque lunaire, il est plus facile de changer notre système de référence. Ainsi nous calculerons la variation du changement de positions des cratères par rapport au centre du disque lunaire qui est fixe.

Photos montrant les instruments


Voici l’étape déterminant pour réussir l’effet 3-D

Il s’agit d’ajuster chaque image ( gauche : photo du 25 juin 2004, droite : photo du 25 juillet 2004) afin que la variation de libration résulte en un déplacement horizontal du changement de position des cratères ou de la surface lunaire de la vue de gauche par rapport à la vue de droite. Nous commençons par aligner nos deux photos ensembles avec le logiciel Paint Shop Pro.

Puis pour calculer les changements de librations, nous prenons les librations pour chacune des dates à partir du logiciel Coelix de Jean Vallières.

Nous obtenons pour le 25 juin 2004:
Longitude sélénographique du centre du disque : 7,33 degrés vers l’est
Latitude sélénographique : -4,50 degrés


Pour le 25 juillet 2004 :
Longitude sélénographique du centre du disque : 6,2 degrés vers l’est
Latitude sélénographique du centre du disque :-0,42 degrés

Ceci nous donne les résultats suivant :
Déplacement en latitude = 4,50 degrés - 0,42 degré = 4,08 degrés
Déplacement en longitude = 7,33 degrés – 6,2 degrés = 1,13 degrés

La variation résultante de la libration est de 4,23 degrés (simple théorème de Pithagore)
L’angle du changement de position est de 74,5 degrés dans le sens horaire soit arc tan ( 4,08/1,13).

C’est donc dire que nous devons faire pivoter deux photos selon un angle de 74,5 degré dans le sens horaire.

Photos montrant les instruments

Il s’agit ensuite de bien cadrer les deux photos ensembles l’une par rapport à l’autre avec Paint Shop Pro et d’obtenir les mêmes dimensions d’image et le tour est joué. Je tiens à préciser qu’il y a beaucoup de travail de essais et erreurs où il faut ajuster nos photos (gauche par rapport à droite) pour réussir un résultat satisfaisant.

Finalement il s’agit de se servir d’un logiciel pour la fabrication d’un anaglyphe et vous obtenez vos photos en trois (3) dimensions. Il est important de préciser que pour apprécier l’effet 3-D, il est nécessaire de se procurer une paire de lunette anaglyphe rouge et cyan (rouge : œil gauche et cyan : œil droit).

Voici mes plus récents résultats de photos 3-D.

Exemple de photos anaglyphes :





Pleine lune du 25 décembre 2004 et 25 janvier 2005
Photos montrant les instruments

Premier quartier du 25 juin et 25 juillet 2004
Photos montrant les instruments

Région des Apennins 25 juin et 23 août 2004
Photos montrant les instruments >

Photos montrant les instruments >

Région des Apennins le 23 août 2004 et 18 janvier 2005
Photos montrant les instruments


Constatations :

Pour les photos prises à 1 mois d’intervalle, l’effet 3-D ressort assez bien de la Lune à grand champs.

Pour les photos prises à plusieurs mois d’intervalle, il est recommandé de prendre des photos de la Lune de petites régions particulières et faire ressortir plus facilement le relief lunaire.

Suite au projet :

J’envisage de prendre des photos de la partie sud de la Lune qui contient beaucoup de cratères et des côtés est et ouest.

J’envisage également de prendre des photos de diverses phases (5, 7, 15 ou 20 jours).

Je serais aussi intéressé d’exploiter la 3-D pour les planètes Mars, Jupiter et Saturne.

Selon mes recherches, il existe plein de possibilités passionnantes dans l’application de la photographie 3-D destinée à l’astronomie.

Remerciements

Je tiens à remercier particulièrement monsieur Michel Renaud, du Club des Astronomes Amateurs de Laval, pour tout son support technique et les travaux de retouches de mes photos de la Lune.

Références :

Pour tous ceux qui désireraient plus amples informations sur cette technique vous pouvez me rejoindre à l'adresse de courriel rochette.m@videotron.ca


Par: Martin Rochette

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