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Performance d'un télescope:
Une approche théorique


(Mis à jour: 23 avril 2003)
Photo de Damien Lemay Par: Damien Lemay
Club d'Astronomie de Rimouski

  • INTRODUCTION

    Avec l'expérience, l'astronome amateur se familiarise avec les divers paramètres de performance d'un instrument astronomique. Par exemple il apprend très vite que le grossissement G d'un télescope est égal au rapport F/fF est la longueur focale de l'objectif (miroir ou lentille) alors que f est la longueur focale de l'oculaire. Également nous avons la conviction innée que plus un télescope sera gros, plus il nous permettra de voir des objets faibles et petits, ce que nous confirme l'observation. Dans les lignes qui suivent je vais essayer de quantifier les principaux paramètres d'un télescope à partir de principes de base.


  1. LE GROSSISSEMENT
  2. La première question qu'on entend de la part d'une personne non initiée (c'est aussi l'argument des vendeurs peu scrupuleux) c'est: «Combien de fois cela grossit il?»

    À cela on pourrait répondre n'importe lequel chiffre astronomique puisque pour un télescope donné, il suffirait d'utiliser un oculaire ayant une focale de plus en plus courte pour obtenir un grossissement de plus en plus fort. Si tel était le cas, ce serait trop beau, nous n'aurions pas besoin d'avoir de gros instruments pour voir en détail les cratères lunaires ou encore les composantes d'une étoile double relativement lumineuse.

    Or, nous savons tous que le grossissement maximum d'un télescope est limité et une formule empirique nous dit qu'il est de 60D où D est le diamètre de l'objectif en pouce (pour les vieux). Dans le système métrique, cette relation devient 60D/25 soit environ 2.5D où D est en mm. Au delà de ce grossissement il n'y a rien à gagner. On a beau avoir une image plus grosse, nous ne pouvons pas voir de détails supplémentaires. On dit alors que c'est un grossissement vide, c'est à-dire qu'il n'ajoute rien. La raison fondamentale à cette limitation est due à la nature ondulatoire de la lumière qui limite la résolution d'un télescope. Nous couvrirons cet aspect dans le chapitre 6 de ce texte.

    Le grossissement G d'un télescope est la dimension angulaire Bêta d'un objet vu à travers ce télescope divisée par la dimension angulaire Alpha du même objet vu à l'oeil nu, i.e.: Équation 1. Comme on le démontrera à la partie 4, la dimension linéaire Kappa de l'image d'un objet au foyer (voir la figure 1) est égale à: Équation 2. De même pour l'oculaire, nous aurons Équation 3.

    Ce qui entraine que: Équation 4

    Figure 1
    Figure 1

    Table 1
    Résumé des performances d'un télescope
    DiamètreG max = 2.5D

    (arrondi)
    Magnitude ¹
    visuelle
    limite
    2 + 5 log D
    Pouvoir
    séparateur
    en sec. d'arc
    141/D
    mmpo
    25 1 60 9,0 5,6
    35 (jumelles 7x35) 1,4 90 9,7 4,0
    50 (jumelles 7x50) 2 125 10,5 2,8
    100 4 250 12,0 1,41
    150 6 375 12,9 0,94
    200 8 500 13,5 0,70
    250 10 625 14,0 0,56
    375 15 940 14,9 0,38
    500 20 1250 15,5 0,28
    1000 40 2500 17,0 0,14
    1600 (Mégantic) 64 4000 18,0 0,09
    5000 (Palomar) 200 12500 20,5 0,03
    Remarque:
    D = diamètre du télescope en mm.

    On suppose un instrument optique parfait et on néglige les limitations apportées par l'atmosphère terrestre.

    Vous êtes problablement surpris de constater que la longueur focale n'entre pas en considération; Vous verrez pourquoi dans les lignes qui suivent...

    ¹: le détecteur est l'oeil.

  3. MAGNITUDE LIMITE
  4. Historiquement, les étoiles avaient été classées par groupe de luminosité (magnitude). Les plus brillantes étant de première magnitude, celles un peu moins brillantes de deuxième magnitude et ainsi de suite jusqu'à la sixième magnitude qui regroupe les étoiles les plus faibles visibles à l'oeil nu. Cette classification était peu raffinée et entre autres ne comprenait pas les fractions.

    Le développement des récepteurs de lumière a amené à reconsidérer la notion de magnitude. Des méthodes précises de mesure de la luminosité absolue ont établi que l'ancienne classification correspondait approximativement à une échelle logarithmique. Ceci est typique de la façon dont nos sens perçoivent les sensations tels l'intensité des sons la hauteur d'une note de musique, etc. En d'autres mots, c'est ainsi que chaque fois que nous avons l'impression qu'une étoile parait 2 fois plus brillante qu'une autre, le rapport des intensités lumineuses de ces étoiles est en réalité d'environ 2,5 à 1.

    Afin que la nouvelle échelle de magnitude soit le plus près possible de l'ancienne, il fut convenu qu'une différence de cinq magnitudes correspondrait à un rapport d'intensité lumineuse de 100 et que les paliers entiers ainsi définis sont dans des rapports égaux.

    Mathématiquement, nous aurons alors:

    Équation 5

    Si on considère deux étoiles de luminosité La et Lb , la différence de magnitude entre elles s'établit comme suit:

    Équation 6

    NOTE: Cette dernière relation s'appelle loi de Pogson.

    L'exposant est mb ma et non l'inverse, parce que la convention veut que plus une magnitude est élevé, plus la source lumineuse est faible. Aussi, dans le dernier terme de droite [2,5 log(La/Lb)] se rappeler que le chiffre 2,5 est exact. Il ne s'agit pas du 2,512 que l'on aurait tronqué en biffant les deux dernières décimales. Selon mon expérience, cette coïncidence est souvent la source de confusion.

    La quantité de lumière que peut capter un instrument astronomique est proportionnelle à la surface de son objectif. Chaque fois que sa surface augmente de 2.512 le télescope atteint une magnitude plus faible. Le diamètre moyen de la pupille de l'être humain, lorsque adaptée à la noirceur, est de 6mm. Le rapport des surfaces entre un télescope de diamètre D (en mm) et la pupille de 6mm sera donc égale à (D/6)2 et la différence de magnitude atteinte sera:

    Équation 7

    Par ailleurs, on sait que l'oeil nu moyen, par une nuit sans lune et loin de la pollution lumineuse, voit jusqu'à la sixième magnitude. Un télescope verra donc jusqu'à:

    Équation 8

    Comme autre relation utile, mentionnons que le rapport des diamètres D2/D1 entre deux télescopes qui auraient une différence de magnitude limite égale à un, serait égale à la racine carrée du rapport de leur surface, soit:

    Équation 9

    L'expression générale est: Équation 10

  5. VITESSE OPTIQUE OU OUVERTURE
  6. Dans tout système optique utilisé pour projeter une image, la vitesse optique est un des paramètres importants puisqu'elle indique la luminosité de l'image. On la désigne par un chiffre allant d'environ 1,7 à 16 pour la lentille normale d'une caméra.

    Ce chiffre est simplement le rapport F/D où F est la longueur focale de l'objectif et D son diamètre. Cette notion est généralement bien comprise par ceux qui font de la photographie, mais j'ai l'impression qu'elle n'est pas claire chez tous les astronomes.

    Soit deux lentilles L1 et L2 dont le diamètre et la longueur focale sont le double l'une de l'autre.

    Figure 2

    Nous aurons alors: Équation 11

    Ces deux lentilles ont la même vitesse optique. Elles formeront donc des images de même luminosité. Est ce possible me direz vous? Votre intuition vous suggère que la lentille de plus grand diamètre doit être plus lumineuse!!

    Il se trouve que la quantité de lumière captée par une lentille est proportionnelle à sa surface. Or, dans ce cas ci, L1 a une surface quatre fois celle de L2, alors que la surface de l'image au foyer de L1 est quatre fois la surface de l'image au foyer de L2 (voir chapitre 4). Donc, dans les deux cas, la quantité de lumière par unité de surface au foyer est la même.

    Pour un télescope de diamètre donné, sa vitesse optique sera dépendante de la longueur focale suivant le rapport d'ouverture F/D. Plus F sera grand, plus l'image au foyer sera grande. La quantité totale de lumière étant déterminée par la surface de l'objectif, on aura alors une image moins lumineuse. Pour un F petit, ce sera l'inverse, à savoir une image petite et lumineuse. Ceci nous amène à constater que la vitesse optique (luminosité) est rapide lorsque le rapport F/D est petit et vice versa. Cette relation stipulant que la luminosité est dépendante du rapport F/D est vraie pour les objets étendus comme par exemple un paysage, la lune, une aurore boréale, etc., mais ne s'applique pas aux étoiles parce que l'image de celles ci est toujours très petite. Dans ce dernier cas, c'est la quantité totale de photons arrivant à l'oeil qui fait qu'une étoile est visible, et non la quantité de photons par unité de surface.

    En conclusion, les lignes précédentes montrent que nous devons faire un compromis entre la luminosité de l'image et son grossissement. Les télescopes newtoniens à grand champ avec un rapport d'ouverture compris entre 4 et 5 ont acquis une certaine popularité, parce qu'ils fournissent des images lumineuses des objets Messier et NGC. De plus, leur grand champ de vision facilite leur usage.

  7. DIMENSION DE L'IMAGE AU FOYER D'UN TÉLESCOPE
  8. Nous savons tous que la dimension de l'image au foyer d'un télescope est proportionnelle à la longueur focale. On nous dit par exemple que le diamètre de la lune sur la pellicule est égal à F/115, où F est la longueur focale du télescope. Les amateurs de photographies astronomiques en viennent invariablement à se demander la relation exacte entre la dimension angulaire d'un objet et l'image formée sur la pellicule.

    Figure 3

    Soit une lentille de focale F. Imaginons qu'il s'agit d'une lentille super grand angle capable de cerner tout l'horizon, soit 360 degrés. L'image obtenue serait alors un cercle de circonférence égale à 2PiF.

    A partir de la figure 3, nous pouvons établir l'équation suivante:

    Équation 12

    F = focale du télescope
    X = dimension linéaire de l'image de l'objet observé
    Alpha = angle en degrés sous tendu par l'objet observé
    donc, Équation 13

    Dans le cas de la lune et du soleil, leur diamètre angulaire est approximativement de 0,5 degré. Nous obtenons alors:

    Équation 14

    Pour les planètes ou les étoiles doubles, nous utilisons plûtot la seconde d'arc comme unité. La formule devient alors:

    Équation 15Alpha est en seconde d’arc.

    Soit Jupiter dont le diamètre à l'opposition est d'environ 40 secondes d'arc. Au foyer d'un télescope de 152mm (6 po.) ayant une focale de 1200mm (48 po.), nous aurons:

    Équation 16

    Je suppose que vous vous êtes remis de la surprise que vous avez eue lorsque, après avoir photographié une planète pour la première fois, vous n'avez trouvé qu'un point sur votre négatif. Vous voyez pourquoi il en était ainsi. Heureusement, on peut améliorer la situation en projetant l'image formée au foyer primaire au moyen d'un oculaire qui en donne une image agrandie par un facteur d'environ 4 à 10, en pratique. Pour plus de détails sur cette technique de projection, consultez un ouvrage sur la photographie astronomique ou un amateur expérimenté.

    La table II donne la dimension linéaire X d'une image formée au foyer primaire d'un télescope en fonction de la dimension angulaire de l'objet. La dernière colonne, donne le champ angulaire total que peut couvrir une pellicule de format 35 mm. Pour le calcul, on reprend l'équation de base précédente que l'on transforme pour obtenir:

    Équation 17 où X est une des deux dimensions de la pellicule, soit 24 mm C 36 mm pour une caméra dite de format 35 mm.

    Table II

    * Correspond à la lentille normale d'une caméra 35mm.

    * * A toute fin pratique, la limite minimum de 0,01 mm est basée sur le fait qu'après agrandissement jusqu'à 20 x 25cm (8 x 10 po.), la dimension de l'image est d'environ 0,1 mm, ce qui correspond approximativement aux plus petits détails visibles sur une telle photographie.

    D'après les données de la table II, on constate que plusieurs étoiles doubles devraient être résolues sur des photographies prises avec nos télescopes d'amateurs. Je crois qu'il y aurait matière pour des travaux intéressants. J'espère éventuellement lire vos résultats dans des revues adressées aux astronomes amateurs.

  9. POUVOIR SÉPARATEUR
  10. Le pouvoir séparateur est défini comme étant la séparation angulaire minimum que l'on peut résoudre. Ce peut être par exemple la séparation des détails fins sur une planète ou encore les composantes très rapprochées d'une étoile double. Nous allons établir la relation existant entre le diamètre d'un télescope et son pouvoir séparateur. Ceci nous amène au grossissement maximum permissible.

    Dans les traités d'optique, nous lisons qu'une source ponctuelle située à l'infini forme, au foyer d'un objectif circulaire, une tache de diffraction de rayon:

    Équation 18 Équation ...a)

    Équation 19

    F/D = vitesse optique du système. F et D ont les mêmes unités. Mais comme on veut exprimer Rho en mm, on exprime également F et D en mm.

    N.B.: Il est hors du cadre de cet article de démontrer la relation précédente.

    Considérons deux étoiles dont l'image au foyer consiste en fait à deux cercles de diffraction de rayon Rho En supposant que la distance angulaire entre ces deux étoiles devient de plus en plus petite, il arrive un moment où les deux cercles vont se confondre et nous ne pourrons plus séparer les deux composantes. L'étoile double nous apparaîtra alors comme une étoile simple.

    Figure 4

    Lorsque la distance centre à centre est égale à Rho, l'image ressemblera à un huit ou tout au moins à une étoile allongée. Lorsque d est plus petit que Rho, il n'est plus possible de décider de la dualité de l'étoile. Le pouvoir séparateur correspond donc à d = Rho. Figure 5

    Imaginons que notre objectif (lentille) est au centre d'un cercle de rayon F. Le rayon Rho de la tache de diffraction divisé par la circonférence 2PiF sera égale à l'angle p.s. divisé par 360 degrés. En fait, le raisonnement suivi ici est à l'inverse de ce que nous avons fait à la partie 4.

    Équation 20

    Pouvoir séparateur = Équation 21 Équation ...b)

    En substituant l’équation a) dans b), nous obtenons:

    Pouvoir séparateur = Équation 22

    Pouvoir séparateur = Équation 23

    Appliquons la relation précédente au cas de la lumière jaune (milieu de la bande visible) où Lambda = 560nm.

    Pouvoir séparateur = Équation 24 sec. d'arc

    On se rappellera que le diamètre D est en mm. Pour les vieux d'entre nous, nous aurons en pouces: Pouvoir séparateur = Équation 25 sec. d'arc

    Note: Pour un excellent article sur le pouvoir séparateur des télescopes, voir SKY & TELESCOPE du mois de février 1983, page 176.

  11. GROSSISSEMENT MAXIMUM UTILE
  12. Lorsque nous avons établi la formule pour déterminer la magnitude limite atteinte par un télescope, nous avons fait une comparaison avec l'oeil humain. C'est que le détecteur ultime est évidemment l'oeil. Dans le cas du pouvoir séparateur, nos yeux ont également un rôle à jouer, ce qui nous amène à la notion de grossissement maximum utile. La figure 6 montre des séries de lignes dont la séparation angulaire est telle qu'indiquée lorsque regardée à une distance de 50cm. L'étude statistique montre qu'environ 50% des gens peuvent résoudre 4 minutes d'arc, alors que 8' est facile pour tous. Afin de satisfaire la majorité des gens sans être trop large, nous choisissons un pouvoir séparateur de 6' pour l'oeil humain.

    Figure 6

    Comme nous l'avons vu dans le chapitre 1, le grossissement d'un télescope consiste en fait à agrandir le diamètre angulaire des objets observés. Notre oeil pourra donc résoudre un objet si le diamètre angulaire d'un objet multiplié par le grossissement G est au moins égal à 6 min. d'arc.

    D'autre part, nous avons déjà établi que le pouvoir séparateur d'un télescope était limité par la relation:

    Pouvoir séparateur = (141/D) sec. d'arc; où D est le diamètre de l'objectif en mm.

    En divisant le pouvoir séparateur de l'oeil par celui de notre télescope, nous obtenons le grossissement qui nous permettra d'utiliser pleinement la performance de notre instrument. C'est le grossissement maximum utile parce qu'au-delà nous obtenons seulement des taches de diffraction plus grosses, mais non mieux séparées entre elles. On dit alors que c'est un grossissement sans valeur parce qu'il ne permet pas de voir mieux.

    G max = Équation 26 où D est le diamètre de l'objectif en mm.

    Si D est en po., on obtient : G max ±= 60D.

    Le lecteur est prié de se référer à la Table I qui indique le pouvoir séparateur et le grossissement maximum de divers télescopes.

Article original de Damien Lemay
Informatisation: Claude Marcotte
Mise en page et retouche d'images: Denis Pagé


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