Historiquement, l’astronomie a occupé un espace
minimal dans les activités scientifiques québécoises. Pourtant, de tout temps
les astronomes québécois ont essayé de développer leur domaine.
Le premier astronome professionnel à
travailler au Québec est Jean
Deshayes. Bien que Deshayes soit un astronome, il exerce la profession
d’hydrographe. Il vient pour la première fois au Canada en 1685 pour un relevé hydrographique du
Saint-Laurent. Cette carte sera utilisée jusqu’à la fin du Régime Français
Le 10 décembre 1685, il note l’heure à laquelle la Lune quitte l’ombre de la
Terre lors d’une éclipse. Cette observation permet à l’astronome français Dominique
Cassini d’établir la longitude de Québec . Il enseigne l’hydrographie à
Québec de 1703 à sa mort le 18 décembre 1706.
Ainsi, dès 1744, le Père
Joseph-Pierre de Bonnécamps, qui s’efforce d’ériger un observatoire
astronomique au Collègue des Jésuites, à l’image des autres collèges en France.
C’est l’intendant Hocquart
qui transmettra ses
doléances au ministère de la Marine. N’ayant rien reçu quatre ans plus tard,
ce sera au tour de l’intendant Bigot
d’écrire en sa faveur. Il recevra finalement ses instruments en 1752. Cependant,
il n’est pas certain qu’il ait érigé un véritable observatoire. Fait à noter
Bonnécamps correspondait avec Joseph-Nicolas
Delisle. Ce
dernier avait entrepris de coordonner des observations du prochain transit de
Vénus en 1761. Entre temps, il envisageait d’observer le transit de Mercure
de 1753 de l'île de Saint-Domingue et Cayenne à l'ouest, et à l'est, aux Indes
orientales à Pondichéry, Chandernagor, Macao et Pékin et le
Québec.
Il faudra attendre vers la fin du
18e siècle, avant qu’un observatoire permanent soit installé au
Québec. L’installation sera l’œuvre de Samuel
Holland, installera une petite tourelle au milieu de sa maison pour
pratiquer l’astronomie. Quelques années auparavant en 1769, il observe avec
Lemaire Saint-Germain, professeur de physique au Séminaire de Québec, observent
le transit de Vénus. L’arpenteur
général adjoint Thomas Wright observe le phénomène depuis l’île aux Coudres. Ces
observations combinées, à celles de 150 autres astronomes partout dans le monde,
permettent de mesurer la distance de la Terre au Soleil avec une précision de
l’ordre de quelques
pourcents.
Il
faudra attendre près d’un demi-siècle avant de voir la naissance d’un véritable
observatoire astronomique. À
Québec, le capitaine Henry
W. Bayfield est chargé des opérations de calcul de l’heure locale de 1827 à
1841. Dès 1844, les autorités portuaires et
militaires, appuyées par les marchants de la ville, demandent la construction
d’un véritable observatoire. En 1847, le gouvernement britannique estime les
coûts de construction de l’observatoire à £526 15s 5p (2523,88$). Le conseil
exécutif accepte alors de défrayer les coûts de construction à condition que la
Grande Bretagne fournisse les instruments.
C’est à l’astronome
royal Georges Airy que revient la tâche de puiser dans les réserves de
l’Amirauté pour fournir l’observatoire en instruments:
- Un télescope sur monture de 42
pouces de longueur focale (f=1,05 m) fait par Dollond
- Un cercle mural
- Quelques instruments
magnétiques
- Il commande aussi deux horloges
astronomiques (fabriquées respectivement par Dent et Molyneux)
Le Lieutenant Edward
David Ashe, arrive à Québec à la mi-novembre 1850 avec les instruments
promis, plus un télescope de transit de 30 pouces (75 cm) de longueur focale,
des thermomètres et un baromètre. Une de ses
fonctions officielles est de faire tomber une balle d’une tour à 13h00 précise
chaque jour. Toutefois à son arrivée, il découvre que le mécanisme de la
balle n’est pas fonctionnel et que la tour est trop basse pour être vue des
quais. Il ne pourrait donc commencer son travail que l’été suivant. Ce n’est qu’en
1854-55 que tous les équipements seront en place. Le coût total du projet
est alors de 12 132,45$.
Dès 1855 à la demande du Geological
Survey, Ashe entreprend de déterminer la longitude des villes de Montréal,
Kingston, Toronto, Chicago, Windsor et Collingwood en référence avec Québec. À
l’été et l’automne 1857, il établit la longitude de Québec par rapport à
Harvard. Cette longitude servira de référence jusqu’en 1890, date où le premier
lien télégraphique sera établi avec la Grande Bretagne.
Mais Ashe a d’autres ambitions pour
son observatoire que de faire des relevés météo et donner l’heure. En 1858, il
fait une demande de financement pour un télescope de première classe. Il lui
faudra attendre 1864 pour que le gouvernement provincial lui accorde une
subvention de 1200$, qu’il utilisera pour acheter un télescope de 8 pouces (20
cm) de diamètre et 8 pieds (2,40 m) de focale construit par Alvan Clark, ainsi qu’un
spectroscope.
Ashe n’était pas resté oisif entre
temps. Il a multiplié les observations des taches solaires et a même participé à
une expédition américaine au Labrador en 1860 pour observer une éclipse. Dès
1868, Ashe prend des photos du Soleil avec son télescope. Ashe devint
bientôt l’un des pionniers mondiaux de la photographie astronomique, et
d’éminents astronomes solaires d’Angleterre, dont Warren De La Rue,
admirèrent ses photographies du soleil. Certaines images sont suffisamment bonnes pour
que l’on puisse voir la granulation!!
En 1869, il démonte son télescope et
l’amène en Iowa, où il observe une éclipse solaire. Une des photos qu’il a prise
montre une protubérance solaire, provoquant une controverse qui durera plusieurs
années.
Le Commandant Ashe prit sa retraite
en mai 1883. Il est alors remplacé brièvement par le Lieutenant Andrew
Gordon. Devant quitter son poste pour participer à des missions
scientifiques dans l’Arctique, il laisse sa place à William Austin Ashe en
janvier 1886. Suite au décès de W. A. Ashe en 1893, on doit trouver un
remplaçant. L’affaire souleva des passions alors que Alphonse
Philéas Roy, professeur au collège de Lévis était le préféré de la presse
francophone. Ce dernier avait même reçu une lettre de recommandation de Camille
Flammarion! Malgré tout, le poste est attribué à Arthur Smith, qui occupera les
fonctions d’astronome jusqu’en 1929.
Dans les années 1840, le Dr
Charles Smallwood installe un observatoire à St-Martin de l’Île Jésus. Il
possédait une lunette Fraunhofer achromatique de 7 pouces de diamètre et de 11
pieds de focale. En 1856, il
devient professeur à McGill, mais n’est pas payé!! Deux ans plus tard, la
Compagnie du Chemin de Fer de Grand Tronc propose la construction d’un
observatoire. Smallwood fait une demande en ce sens en janvier 1859. Celle-ci
est refusée, mais il obtient tout de même l’appui de l’évêque de Montréal et
d’autres gens influents. Ce qui lui valut de recevoir 500$ plus tard cette
année. Cette subvention fut renouvelée l’année suivante.
En juillet 1862, Smallwood écrit au
Board of Governors de McGill proposant de transférer ses équipements sur le
campus. En août, le plan est accepté et, en octobre, 1945$ sont alloués pour la
construction
d’un édifice. La subvention
annuelle de 500$ a fort heureusement été maintenue. Suite au décès de Smallwood en 1873,
c’est Clement Henry McLeod, un jeune ingénieur civil fraîchement diplômé, qui
prend la charge de l’observatoire.
En 1879, l’observatoire est équipé
d’un télescope équatorial de 6,25 pouces (15,6 cm) et de 7 pieds (2,10 m) de
focale, d’un télescope de 3,25 pouces ( 8,2 cm) et de 42 pouces de focale (105
cm) ainsi que d’horloges astronomiques. En 1882, il observe le transit de Vénus
à Winnipeg. En 1888, il commence des observations régulières des taches
solaires. En 1892, il recalcule la longitude de Montréal par rapport à
Greenwich. Il restera en poste jusqu’en 1918
S’il y a des astronomes québécois,
il n’y a pas encore
d’astrophysiciens. Il faudra les années 20 avant que le Québec décerne son
premier doctorat en astrophysique. Allie Vibert
Douglas débutera des études en physique à McGill qui seront interrompues
lorsqu’elle rejoint en le War Office à Londres comme statisticienne en
1916. Pour sa contribution durant
la guerre, elle recevra l’Ordre de l’Empire Britannique en 1918. En 1920,
termine son baccalauréat à McGill et sa maîtrise une année plus tard. Peu après,
elle est fascinée par l’astronomie et étudie à l’observatoire de l’Université de
Cambridge sous la direction de Sir Arthur
Eddington.
Par la suite, elle retournera à McGill où elle
complète son doctorat en 1925. Le 31 août 1932, une éclipse de Soleil se
produit au Québec, alors membre d’un groupe dirigé par John
Stuart Foster (le seul québécois à avoir un cratère à son nom sur la Lune),
elle tente de prendre un spectre de la couronne solaire. Malheureusement, les
nuages ne collaboreront pas. Elle demeurera à McGill comme professeure jusqu’en
1939, année où elle quitte pour occuper le poste de doyenne de la Faculté des
Femmes à l’Université Queen’s.
Avec le départ d’Allie Vibert Douglas, il n’y a
plus d’astrophysicien au Québec. De plus, l’observatoire de Québec rendu
insalubre est détruit dans les années 30. Il faudra attendre les années
soixante avant que l’astronomie redémarre. Entre temps, les rares publications
astronomiques québécoises sont l’œuvre de Paul-Henri
Nadeau, professeur au département de Physique de l’Université Laval et premier
président du Centre de Québec de la Société
Royale d’Astronomie du Canada en 1942.
Serge Lapointe devient
premier astrophysicien de l’ère « moderne » en obtenant un poste de
professeur au Département de Physique de l’université de Montréal en 1956.
Quelques années plus tard, il sera suivit d’Hubert Reeves. À la fin des années
soixante, Gilles
Beaudet, Georges
Michaud et Jean-Louis Tassoul, les rejoindrons.
La construction d’un observatoire
à Saint-Elzéar est proposée pour la première fois en 1962, par Albéric Boivin. Il faudra
attendre à l’automne 1971 pour son inauguration qui aura lieue lors d’un
congrès international sur le traitement d’image astronomique. Le projet d’étude
proposé était la recherche de comètes!!! À l’époque, le télescope avait fait
l’objet d’une guerre de clochers entre le département de physique et le
département de foresterie.
Suite à l’allocution de Charles de Gaule au
balcon de l’hôtel de ville de Montréal en 1967, les relations entre la France
et le Canada se refroidissent. Dès le début des années 70, Gilles Beaudet et Georges
Michaud proposent la construction d’un observatoire astronomique au Québec. En
1971, les Français envoient une délégation composée de Jean Delhaye, membre du Conseil de
l'ESO, et Roger Cayrel, directeur du projet
TCFH, à l’Université de Montréal pour inviter les Canadiens à participer à la
construction d’un télescope. À ce moment, les deux pays ont chacun de leur côté
un projet de grand télescope national, mais pas de site propice sur leur
territoire. De cette visite naîtra, le Télescope
Canada France Hawaii et par la suite l’Observatoire du Mont Mégantic.
L’Université de Montréal et
l’Université Laval envoient simultanément une demande de subvention pour la
construction d’un observatoire. On leur répond qu’elle leur sera accordée
uniquement que si elles travaillent ensemble. À l’automne 1974, une demande de
subvention conjointe est envoyée. Le 16 mars 1976, les travaux débutent. Le 27
avril 1978 à 21:30, le télescope voit sa première lumière. Les travaux auront
coûtés 3,45 M$.
La création de l’Observatoire du
Mont Mégantic a permis un développement rapide de l’astronomie au Québec.
Le Québec compte maintenant une vingtaine de professeurs-chercheurs en
astronomie, soit 10 % des effectifs canadiens, qui forment près de 20 % des
étudiants-chercheurs du pays dans ce domaine. Il y a actuellement quatre universités où l’on
retrouve des astrophysiciens professionnels au Québec: Montréal, Laval, McGill
et Bishop Il n’y a pas de programme d’étude spécifique à Bishop. Les
astrophysiciens québécois étudient l’évolution des galaxies, la physique
stellaire, les pulsars et développent de nouveaux instruments de mesure. Il y a
maintenant plus d’une centaine de Québécois formé en astrophysique oeuvrant un
peu partout dans le monde.
Pourtant, l’astronomie
professionnelle reste toutefois sous-développée au Québec: Il y a 1,9 astronome
membre de l’Union astronomique Internationale
par million d’habitants alors qu’il est de 7,6 au Canada. Ce qui place le Québec
juste en avant de la Roumaine. Le financement de la recherche est d’environ 30
cents par habitant par an, 1$ au Canada, 5$ dans les pays développés! Et pour
couronner le tout, il n’y a plus que le groupe de recherche de l’Université
Laval qui reçoit des fonds du FQRNT. Les
coupures des dernières années ont fait très mal à la recherche québécoise et pas
seulement en astronomie.
Reste à espérer que le futur sera
plus radieux!
Pour en savoir
plus :
Mémoire de
maîtrise de Vincent Larivière
Articles
historiques :
Publications
de Samuel Holland
Publications
de Edward David Ashe
Un
article de René Racine sur la naissance de l’Observatoire du Mont
Mégantic
Article de Yvan Dutil mars 2006
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